Dans ma salle de bain, il y a une petite radio portative un peu déglinguée.
La trappe à piles est fermée par un vieux bout de scotch. L’antenne -ou du moins ce qu’il en reste- ne tient que par la grâce de Dieu (et d’un trombone car Dieu a d’autres trucs plus importants à gérer). C’est une radio à l’ancienne, sans affichage digital. Il faut tourner la molette pour tomber sur la bonne station et attendre qu’un jingle nous confirme qu’on y est parvenu.
Le matin, on aime l’écouter nous donner les nouvelles fraiches et la météo du jour. Elle ne sert qu’à cette occasion, d’ailleurs. Enfin, pour être tout à fait juste, je devrais plutôt vous dire tout ça en utilisant le passé car cette petite radio a cessé toute activité professionnelle il y a quelques jours et nous avons dû la remplacer par une toute neuve. Une qui n’a pas besoin de scotch ni de trombone divin.
Mais je refuse d’en parler au passé et je refuse même en bloc l’idée de m’en débarrasser.
Car il y a, dans cette radio, une histoire qui m’est chère.
Dans cette radio, il y a ce jour de juin 1997 où j’effectuais mon stage de BTS à quelques encablures d’une clinique dans laquelle mon père était rentré le matin même pour subir une opération chirurgicale de routine. Il y a ce coup de fil de ma soeur, vers 15h, pour me prévenir qu’il s’était passé quelque chose de grave pendant l’opération. Il y a moi, courant comme jamais je n’avais couru, pour parcourir les quelques centaines de mètres me séparant de la clinique. Moi, ne sachant même pas à qui m’adresser pour avoir plus d’info et me dire où me rendre précisément. Moi, assis dans le bureau d’un chirurgien, à attendre que ma mère et ma soeur arrivent à leur tour. Moi qui entends ce chirurgien nous dire que la vie de mon père ne tient plus qu’à un fil car il s’est passé quelque chose d’inattendu. “Quelque chose qui ne lui était jamais arrivé en x années de carrière. Qu’il n’était pas en mesure de nous dire si mon père s’en sortirait. Qu’il nous conseillait d’aller chez mon frère et d’attendre des nouvelles”.
Dans cette radio, il y a moi qui traverse cette clinique en haïssant chaque personne croisée sur mon chemin, les accusant silencieusement d’oser être là, sans vie qui ne tient qu’à un fil, sans souffrir comme je souffre.
Dans cette radio, il y a cette longue attente mêlée de prières désespérées pour que mon père s’en sorte sans séquelle et même s’en sorte tout court.
Dans cette radio, il y a le coup de fil avec le chirurgien, vers 21h, qui nous dit que tout est fini. Ma haine envers le monde entier. Mes larmes qui finissent par sortir parce qu’on m’autorise.
Dans cette putain de radio, il y a les premières heures qui suivirent. Cette première nuit sans mon père, chez mes parents, à être aux côtés de ma mère pour qu’elle ne s’écroule pas. Ce premier petit déjeuner à deux bols. Cette journée à voir passer la foule des gens qui l’aimaient pour nous dire à quel point ils sont sous le choc et à quel point mon père était formidable. Pour nous dire “condoléances”, aussi …
Dans cette putain de radio il y en a des centaines de ces putains de “condoléances”. Il y en a tant que je ne supporte plus, aujourd’hui, d’entendre ce mot vide de sens.
Dans cette radio, il y a cet enterrement pour lequel mon père avait toujours dit qu’il souhaitait que ce soit ses trois fils et ses gendres qui portent son cercueil. Il y a le corbillard qui arrive devant l’église. Le cercueil qui apparait sous mes yeux. Cette grande inspiration avant de saisir la poignée et de le poser sur mon épaule droite. Cette traversée jusqu’au chœur et ces gens flous sur les côtés. Des mots qui sont dits. Des chants. Le copain de mon père qui pleure comme un enfant en le saluant une dernière fois …
Dans cette radio, il y a toute la vie que j’ai construite sans lui. La femme merveilleuse que j’ai rencontrée et que j’aurais aimé lui présenter, notre mariage, la naissance de nos filles et moi, devenu père à mon tour.
Dans cette radio, il y a le choc et la douleur d’un gamin de 22 ans. Une douleur qui se transforme avec le temps mais qui ne disparait jamais.
Cette radio, c’était la sienne. Celle qu’il emmenait pour bosser chez ses clients.
Dans cette radio il y a mon père que j’aime et qui me manque terriblement.
<3
(oui, encore)
Oh ben m… Je n’ai pas d’autres mots. Tu sais “toucher” au cœur aussi bien que tu fais rire. Bel hommage.
Oh Till, ton billet me bouleverse. Je me demande s’il n’a pas été inspiré par les commentaires déplacés de ton dernier :/
Un gros hug
Très émouvant et très bien écrit
Bravo
Ouh la la, je ne m’y attendais pas… Moi qui ait plutôt l’habitude de sourire voire de rigoler en lisant tes billets, là j’en
suis loin…
On vit ta peine et ta haine à travers tes mots.
Il serait sans doute très fier de l’homme et du papa que tu es.
Elle mérite la malle aux trésors alors…
Ah bah non, si même toi tu me mets à nous faire pleurer! Sans doute parce que ça fait écho quelque part…
Je chiale !
De vraies de véritables larmes toutes mouillées sr mes joues…
Voilà comment je te découvre pour la première fois !
Tu m’a fais pleurer et tout de suite je t’ai aimé pour ça.
Ton texte est tres emouvant. J’imagine combien cela a du etre dur. Je comprends ce que represente cette radio. On n’oublie jamais.
Magnifiquement touchant…
Garde là bien. Précieux trésor !
Tendres pensées, je viens de perdre ma gd mère, je suis pleine de chagrin…
Merci d’avoir partagé cette touchante tranche de vie !
pfiou….. que d’émotions….
Ma maman a le même genre de radio sur sa table de nuit.
C’est aussi la radio de mon père enfin c’était.
C’est la radio qui a été auprès de lui à l’hôpital, aupres de lui à la maison quand il a tant souffert. Cette radio ne l’a pas suivi à son retour final à l’hôpital, il n’était plus en état de l’écouter.
Cette radio est là près de l’oreiller de ma maman, je suis certaine qu’elle a la meme valeur que ta radio à toi. Cette radio, je sais aussi, que même avec son scotch pour bloquer la molette de recherche des ondes, elle ne finira jamais à la poubelle. Cette radio, je la garderai plus tard quand ma maman sera partie à son tour.
Merci pour ton très beau texte.
Triste anniversaire….que nous compte là.
Triste nouvelle que cette radio qui s’arrête d’émettre…
Triste chagrin que tu nous fais ressentir par le biais de tes mots.
Ce mois ci, dans quelques jours, cela fera un an que ma mère est décédée.
Ton billet me touche plus qu’il ne devrait.
C’est con, j’aime bien les portes scotchées et les trombones antenne…
Tu m as touché en plein coeur je ne connaissait de toi que ces posts drôles et qui me confortent dans l idée de devenir maman …
Merci de ce partage
Triste en effet… Mais les souvenirs sont là, même si c’est tout ce qu’il reste…
Ton billet le touche d’autant plus que j’ai perdu mon père au même âge et que je me dis souvent que j’aurais aimé qu’ils connaisse ses petites filles
J’ai découvert ton blog il y a 3 jours et tu m’as beaucoup fait rire, il est maintenant dans mes favoris !
En voyant le titre de ton article, je m’attendais à ce que tu parles de foot… Et non !
Merci pour ce partage très personnel de ce moment de ta vie.
C’est un très bel hommage à ton papa qui doit être très fier là-haut.
Bises.
Lise
Mr Chat, je ne sais quoi te dire en fait. Ce billet est tellement beau. Tu vois là, je t’aurais bien offert tous les câlins du monde… Bref, <3
c’est très beau, vraiment.merci pour cette petite entrée dans ton intimité
Tres joli hommage
Les petits mots qui disent.
Merci de l’avoir dit.
<3
<3
très joli hommage.
Condoléances, c’est “souffrir avec”. Un peu comme si on souhaitait prendre un peu de la douleur de l’autre pour qu’il soit moins accablé. mais ça ne marche pas comme ça …
et bien!! pfiou, c’est un tres beau message. j’ai pleuré et pleuré. (je suis au bureau alors j’ai séché mes neuils vite vite). j’ai été tres touchée. merci
Texte qui prend aux tripes.
Bel hommage oui.
<3
J’ai les yeux plein de larmes …
Et c’est la fête des pères dimanche … ça y est, je pleure …
<3
Ces petits rien qui nous rattachent aux gens qu’on aime…
Larmouille des le matin…
Et dans ce texte, il y a tant d’amour. Ca ne sert qu’à ça de savoir écrire. Buses
Je suis au boulot donc je retiens les larmes pour qu’elles ne coulent pas à la vue de tous mais elles coulent à l’intérieur…
Magnifique hommage…<3
Très bel hommage à ton papa, il serait fier !
♥ ♥ ♥ magnifiquement écrit! Merci Till
Mon père a laissé le même genre de radio, elle date des années 50 (c’est fou hein !) avec la molette et tout. Il l’emmenait sur ses chantiers, elle est donc pleine de peinture, mais aussi invraisemblable que cela puisse paraître elle marche encore !
Comme toi je ne m’en séparerai pas. Merci pour ce texte si touchant.
Je l’ai trouvé en image ici : http://p.g.elec.pagespro-orange.fr/025.JPG sauf que la sienne est rouge et blanche.
Ouh, tu me tires les larmes ce matin… Je comprends tellement ce que tu écris…. J’ai vendu récemment la maison de mes parents, et donc j’ai dû finir de la vider…. Au sous sol il y avait toujours le poste de mon père, avec une cassette de Tri Yann qu’il ecoutait toujours en sifflant pendant qu’il bricolait. Cette cassette n’avait pas bougé depuis des années, et là quand on l’a mise en route comme à chaque fois, elle ne fonctionnait plus, trop usée, ça m’a fait comme un choc, comme si elle aussi tournait la page… C’est tellement dur…. Ils sont toujours avec moi, grâce à ces objets récupérés chez eux, et je sais que chaque assiette qui se brisera ou autre sera une petite déchirure supplémentaire, parce que plus que l’objet en lui-même, il y a tous les souvenirs qui vont avec….
Je te fais plein de bisous <3
Forcément, ça m’a fait pleurer, mon Papa nous a quitté, il y a 5 ans et son poste il le “trimbalait” partout …. jardin, établi, cuisine …. ça faisait hurler ma mère !!!
On avait réussi à lui en acheter un il y a quelques années à la fête des Pères, donc il n’y pas de scotch, ni de trombones …
Très beau texte, mais maintenant j’ai le cafard ….
Je ne sais que te dire… Un billet bien different mais qui touche, qui emeut, qui fait pleurer…
Merci de partager ca avec nous…
Beaucoup de larmes a la lecture de ce magnifique billet… Je partage aussi ce besoin des objets du quotidien de nos êtres chers qui nous manquent et qui nous permettent d’entretenir un lien avec eux qui nous manquent tant. La vie est dure comme elle peut être douce, il faut continuer d’avancer en profitant des plaisirs simples du quotidien sans attendre. C’est aussi ce qui a motivé mon homme a prendre son congé parental, il attaque d’ailleurs sa dernière journée de travail pour notre plus grand plaisir. Affectueuses pensées
Tellement de choses à dire mais toutes bien inutiles… Douce pensée à toi et ton papa <3
Coeur avec les doigts (j’ai pleuru) <3
On a tous une petite radio comme ça, qui fait mal mais qui en fait, fait beaucoup de bien.
Garde la près toi, elle n’a pas besoin de fonctionner, elle est là, il l’a touché, tu peux la toucher et c’est ce qui apaise.
Bon week-end @ toi petit papa et dis-toi que de là haut, il est fier de toi
Wow, je ne m’attendais pas à ce type d’article !
Ton texte a l’air avoir mûri plusieurs années avant de sortir. Il est brut mais très touchant.
Plein de bonheur à toi en tant que père, en hommage au tien.
Je n’ai pas grand chose à dire, sauf que… En lisant, je me suis dit tout au long, ça va finir en queue de chaussette (sisi les chaussettes ont une queue)… la chute va être drole… et je me suis vue chialant… Comme une gourde. Ce qui est bien avec le net, c’est qu’il restera toujours une trace de ce que tu ressens de ton père, et c’est très beau.
Je suis sur le c… Bravo pour ce texte et cette émotion à cœur ouvert que tu nous fais partager sans complexité. Si seulement, tous les hommes pouvaient s’ouvrir comme ça. Je suppose que ça a du aussi être dur pour toi de l’écrire… Respect.
Les petits objets du quotidien, qui relient l’existence au divin…
Mon dieu, comme ces mots résonnent en moi.
Ces émotions, ce choc, cette douleur, ces moments de solitude, … comme je les connais.
Je ne te connais pas, je te t’ai jamais lu, mais j’ai l’impression d’avoir vécu tout ce que tu raconte avec toi. J’ai pleuré en lisant cela.
C’est beau. Et c’est dur en même temps.
A bientôt.
Fanny
quel bel article!!!!
Je me revois, presque au même age, en filigrane de ce texte. J’ai seulement l’avantage de ne pas avoir besoin de pile pour faire fonctionner la boîte à chapeau de ma mère. Mais tout comme cette radio, la boîte n’a pas réellement besoin de “fonctionner” finalement. Très bel hommage et très belle radio.
Quel magnifique témoignage ……
J’ai perdu ma maman aussi à 21 ans …. et j’ai une bague qui lui appartenait sans doute un peu kitsch mais c’est elle …. Elle n’aura jamais connu mes 2 filles non plus. Chaque jour, je pense à elle et comme je comprend ta colère ! Un cancer l’a emporté …… Heureusement nos souvenirs sont là et je parle d’elle à mes filles très souvent pour qu’elle continue “d’exister”.
mon mari a aussi la radio de sa maman, il l’a réparer, refait les boutons qui tenaient avec du scotch, et maintenant elle l’accompagne dans le garage quand il bricole pour la maison. Merci pour ce billet.
Vraiment émouvant…. à tel point que je suis sûre que ce père aurait été fier, très fier de son fils <3
Très beau texte, très touchant <3
un billet bouleversant…
Je me sens presque mal a l’aise de commenter à la découverte de votre blog tant ce billet est bouleversant, mais je tiens quand même à en souligner l’émotion…Ca me prend au coeur, vraiment.
je vous suis depuis un moment mais jamais ne commente… en même temps pour le coup je ne trouve pas de mots non plus… tellement de souvenirs qui remontent…merci
Chacun de tes mots résonne en moi. Ces objets anodins sont pourtant ceux qui nous rappellent à quel point les gens qu’on aime nous manque. Moi non plus je n’aime pas le mot condoléances. Un mot assez vide de sens qui évite d’en dire d’autres sans doute par peur de la maladresse. Merci d’avoir partagé ce billet
Merci d’avoir écrit ces si beaux mots … d’avoir exprimé l’impossible douleur… et le bonheur du souvenir d’un petit objet sans importance…
Très touchée également… Perdre l’objet fait partie du deuil… Il est temps de sublimer ce souvenir et de le transposer dans un acte du quotidien, par définition impérissable : si la radio n’existe plus, reste le geste de l’écouter, grâce à n’importe quelle autre radio, comme le faisait votre paternel. Et l’avantage de conserver des actes, des paroles, des habitudes plutôt que des objets, c’est qu’on peut les transmettre à son tour…
Très touchant et je comprends que cette radio reste un souvenir, un lien qui permet de garder le souvenir intact, car heureusement le temps aide à avancer (mais malheureusement il nous fait oublier beaucoup de choses aussi).
Un petit mot pour votre témoignage bouleversant de la part d’un papa au foyer (un de plus)
Merci
Oh ben je pleure…
les larmes aux yeux en te lisant. J’ai rangé au fond du placard la tasse que ma maman utilisait tous les matins pour son café et que je lui avait offerte pour son anniversaire ; elle ne sert plus, trop peur de la casser …
le pire avec les condoléances, c’est quand elles sont “sincères” de la part de personnes inconnues … et pourtant ce mot a du sens “qui partage la douleur”
Bien avant de lire ce billet, j’ai vu la photo de cette radio et celle-ci à ravivé de doux souvenirs. Cette même radio toute simple,sans fioritures m’a été offerte il y a de cela quelques année déjà par mes grands parents. Je revois encore presque vingt ans après cette journée où j’étais entourée de ceux que j’aimais. Cette radio m’a accompagné lors de mes études et puis lors de mes premières années de travail, la vie s’écoulait, mes grands parents nous ont quitté et puis un jour cette petite radio scotchée, abîmée mais tellement utilisée a cessé de fonctionner, et malgré cela je ne me suis jamais résolue à la jeter.
Tout comme vous, ce petit objet qui parait tellement obsolète aux yeux d’autres personnes tient une part très importante dans ma vie et quand je regarde cette petite radio, je souris et je suis heureuse….
Il y a des moments dans la vie ou l’objet n’est plus objet, il devient conscience !
Rien de tel que les souvenirs de famille, c’est pourquoi beaucoup de personne font leur arbre généalogique https://www.arbregenealogiquesfamille.com/recherche-genealogie-gratuite-sur-un-ancetre-celebre/ Certains ont même trouvé des personnes célèbres …