Et c’est reparti pour un tour. Avec la même régularité qu’un grec en toge qui rallume la flamme, Procter & Gamble nous ressort sa campagne de promotion Olympique aussi puante que mielleuse.

Depuis 2010, à chaque Jeux Olympiques d’hiver et d’été, la firme Procter & Gamble et ses marques phares que sont Pampers, Ariel ou Gilette, relance sa campagne #MerciMaman.

L’idée de cette campagne de communication se résume assez simplement à : Si les athlètes en sont là, c’est grâce à leur mère. Remercions la tous ensemble.

Premier film, “Kids”, réalisé à l’occasion des J.O de Vancouver en 2010.

Au tout début, “Kids”, le premier film de la saga réalisé à l’occasion de J.O de Vancouver, se contentait de traiter habilement du fait que les athlètes qui participent aux J.O restent des enfants sous le regard à la fois aimant et stressé de leur maman. On y voit des sportifs visiblement âgés de pas plus d’une dizaine d’années, s’élancer dans leurs épreuves olympiques. Honnêtement, hormis l’absence très agaçante et totale de figure paternelle à l’image ou dans le slogan, il faut admettre que le film était mignon.

Deuxième film, « Best Job », réalisé à l’occasion des Jeux Olympiques de Londres en 2012.

Dans celui-ci, tout part direct en cacahuète. La musique est pathos avec son petit piano angoissant qui illustre les images de mères, au matin, avant le lever du jour mais déjà à leur lourde tâche de gérer les mômes. Puis la musique s’accélère pour suivre le rythme effréné de ces braves mères, partout dans le monde, qui enchaînent les tâches ménagères et l’accompagnement des enfants à leur sport, seules, sans la moindre aide d’un homme. Elles font tout, elles assistent aux entrainements. Des papas ? Non !! Ils ont sûrement mieux à faire. Des trucs de chefs de tribu comme gagner l’argent du ménage, tuer des animaux sauvages au péril de leur vie pour nourrir la famille, se gratter la burne gauche en jouant à la Playstation, rire fort en buvant des coups au PMU, etc. … Du coup, cela va de soi, les enfants grandissent et gagnent des compétitions uniquement grâce au sacrifice des mères et tout le monde pleure d’émotion. Enfin non, sauf les pères trop occupés à se gratter la deuxième couille. Le message final : “Le plus dur métier du monde est le meilleur métier du monde. Merci Maman” (ouf, on échappe de peu au plus vieux métier …). Parce que, oui, pour Procter&Gamble, Maman, c’est un métier. J’aime bien l’idée de souligner le fait que trop peu de partage des tâches existe dans la réalité mais mon petit doigt me dit que ce n’est pas vraiment le message initial.

Troisième film. “Pick them up”, pour les J.O de Sochi. Le retour du petit piano qui fait réfléchir et qui souligne l’émotion de ces images de mères et de leurs enfants.

Encore une fois, les pères semblent partis sur le front russe ou en train de bouter les anglois hors de nos frontières. En tout état de cause, ils ne font pas parti du dur quotidien de ces mères qui sont là pour relever leurs enfants après chaque chute. Car, oui, dans ce film, les enfants tombent beaucoup. De là à dire qu’ils boivent, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas par respect pour les traditions russes et ces J.O de Sochi. ils tombent, glissent, chutent, tombent encore et encore mais, qui est là, A CHAQUE FOIS, pour les relever et panser leurs blessures ? Maman, bien sûr ! Puis les enfants grandissent, se blessent encore (faudrait peut-être changer d’orientation, non ?) et maman est toujours présente. Alors, de fait, quand ils commencent à remporter des victoires, ils se tournent vers celle qui compte dans leur vie : Maman. Le message final : “Pour nous avoir appris que tomber rend plus fort, merci Maman”. (Quand à papa, va bien te faire frire le cul ! Sale con absent !)

La légende dit que Jean-Michel Flinstone, un mec du service marketing, a évoqué l’idée qu’on puisse intégrer quelques pères en faisant un message du genre “Merci, les parents”. Dès le lendemain, Jean-Michel aurait été recyclé en dosette à lessive (mais personne n’a pu me confirmer cette information).

Et voilà qu’aujourd’hui  je reçois un mail m’annonçant fièrement la sortie du dernier volet de cette délicieuse saga “lessivièro-paternicide” à l’occasion des 100 jours qui nous séparent du début des J.O de Rio.

De joie, j’ai failli ouvrir une bouteille de champagne mais je me suis retenu et ai plutôt opté pour le visionnage de  “Strong” (c’est son joli titre).

Petit piano, violons, c’est le dernier volet de la saga, on sort le grand jeu, bordel ! Images angoissantes immédiatement suivies d’images de mères rassurantes avec leurs progénitures. Et puis ces larmes de joie, quand l’enfant remporte ses victoires sportives. Le message final : “Il faut quelqu’un de fort pour les rendre plus forts. Merci, Maman”. Immédiatement suivi par les marques du groupe en mode rafale ultime, comme pour finir de nous achever, nous, les sales cons de pères : Ariel, Always, Oral-B, Head&Shoulders, Pampers.

Que des marques de gonzesses, quoi …

Hein ? Nous sommes en 2016 ?

Ouais, et alors ?

Je n’ai pas compris ?  Le message est très féministe, au contraire, puisqu’il sous-entend qu’il n’y a pas besoin des hommes pour transmettre cette valeur de la force alors qu’avant elle était immanquablement associée aux hommes, t’vois.

Non, j’vois pas bien.

Et puis ce n’est pas aux marques de faire changer les mentalités, c’est ça ?

J’ai beaucoup lu cette réflexion quand je réagissais déjà à la vidéo de 2012. Et, vous savez quoi ? Je suis quasi d’accord. Leur but premier est de faire du business en flattant la partie de l’humanité encore majoritaire à se taper les corvées des courses, du ménage et du torchage de mini-fessiers.

Je regrette juste qu’ils attendent aveuglement que la tendance s’inverse ou s’équilibre pour adapter le discours et qu’ils ne fassent rien pour accompagner ce que je considère comme un réajustement équitable.

Et puis, surtout, je pense que supprimer intégralement et volontairement toute référence à l’un ou l’autre des parents dans n’importe quel message lié à la parentalité est une erreur mais, attention hein, je ne suis pas en train de militer pour une représentation nauséabonde qui soutient l’unique schéma: 1 papa +1 maman. Loin de moi cette idée. Il y a des familles monoparentales, des familles homoparentales, des familles pas rentables … bref, tout un tas de familles différentes qui élèvent leurs enfants et qui achètent les produits de chez Procter&Gamble. Oh, wait …

Psssst … Je vous jure qu’en 2016, je vois pas mal de pères s’occuper de leurs enfants.

Pour les J.O d’hiver de 2018, on lance un #MerciLesParents ?

(et qu’on vire ce pianiste dépressif, merde !)

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